Documentée depuis le XVe siècle, la Casa Rossell a été une des maisons les plus importantes de l’Andorre sur le plan économique et politique. En plus d’avoir été une des grandes propriétaires du pays (terrains, bétail, forges), il y eut dans la famille Rossell des personnages publiques très importants, parmi lesquels Antoni Fiter i Rossell (1706-1748), rédacteur du Manual Digest (1748).
Éléments de l’itinéraire
Al fons s'hi pot veure el passadís que connectava la capella amb la casa per evitar haver de sortir al carrer.
Des d'aquest punt es poden apreciar tota la magnitud de la casa.
Nous nous trouvons face à la Casa d’Areny-Plandolit, l’autre maison la plus puissante d’Ordino pendant l’époque moderne avec la maison Rossell. Elles sont séparées par à peine quelques mètres, elles firent toutes les deux fortune en augmentant leur patrimoine à travers le commerce de terres et de bétail, et elles firent même des affaires ensemble en ouvrant une forge conjointe. Les deux maisons établirent des alliances matrimoniales favorables à leurs intérêts, et certains de leurs membres firent partie des élites politiques et juridiques de l’Andorre.
Les constructions qui forment le noyau principal d’habitation de la famille Rossell appartiennent au Gouvernement andorran depuis 1993, suite au décès de la dernière descendante de la famille, Maria Lluïsa Riba Cassany (1908-1993), sans enfants ni testament. L’ensemble fut déclaré un Bien d’Intérêt Culturel en 2003, et bénéficie donc du niveau maximal de protection prévu par la Loi du Patrimoine Culturel.
Le nom Rossell apparait déjà dans la documentation la plus ancienne conservée. Sur la seconde Concorde du 8 janvier 1176, signée par les chefs de famille d’Andorre, apparaissent trois familles vivant dans la paroisse d’Ordino avec le même nom de famille : une à Llorts, une autre à Sornàs et la dernière à Ordino. Certains historiens ont considéré que ces Rossell du XIIe siècle étaient les ancêtres de celle qui deviendrait une des familles les plus remarquables de l’Andorre. Malgré tout, il est plutôt téméraire de les lier les uns aux autres, compte tenu du manque de preuves mais malgré les références documentaires constantes aux Rossell d’Ordino pendant l’époque médiévale.
Cette rue était appelée Gravada del Mallador, parce qu’elle menait vers l’aire de battage (mallador) de Casa Rossell ; mais comme elle était entourée de propriétés de la famille, le Comú d’Ordino (administration locale) décida de la rebaptiser comme la Gravada del Rossell. Le mot gravada fait référence à une rue pavée, étant donné que les rues à fort dénivelé étaient pavées pour éviter que la pluie ne les érode.
De chaque côté de la rue, nous voyons les deux volumes principaux formant le noyau des propriétés de la famille à Ordino. À droite, la maison familiale, d’où nous pouvons apprécier le mur des travaux d’agrandissement de 1968, interrompus et non achevés à cause des dettes de la famille. À gauche, nous voyons le petit fenil et la maison du métayer, deux constructions appartenant à une autre propriété puis acquises par la famille Rossell en un moment d’essor pour augmenter son patrimoine.
Le premier document nous permettant d’identifier la famille Rossell est une sentence de 1491 entre Ordino et la Massana vis-à-vis du contrôle des emprius de la montagne de Llorts, signée entre autres par Joan Rossell d’Ordino. La famille Rossell est déjà décrite comme l’une des cinq familles les plus aisées de la paroisse d’Ordino.
La première allusion documentaire à la maison date du milieu du XVIe siècle, dans les livres des comptes de l’archive du Comú (administration locale). La date coïncide avec celle gravée sur la pierre au-dessus de la porte d’entrée principale, avec l’inscription 1611 suivie d’un chrisme, derrière lequel nous pouvons lire les lettres M et I, pouvant correspondre au titre de Molt Il·lustre (« Très Illustre ») conféré à Antoni Rossell, puisque sur la ligne suivante nous pouvons lire ANT. RO. (ANToni ROssell). Joan Antoni Rosell Fiter (1638-1710) fut syndic d’Andorre à partir de l’an 1683. Il ne faut pas le confondre avec un autre descendant illustre de la famille, Antoni Fiter i Rossell (1706-1748), docteur en droit, prêtre et avocat, nommé viguier épiscopal en 1739 et auteur du Manual Digest (1748).
Nous ne savons pas pourquoi ce manque de précision de la date ; cela dit, si nous tenons compte de la typologie constructive de la maison et des résultats obtenus suite aux recherches historico-archéologiques menées au début du XXIe siècle, nous pouvons conclure que la maison fut bâtie pendant la première moitié du XVIIe siècle.
Comme pour d’autres propriétés des familles proéminentes andorranes de l’époque, comme par exemple la Casa Busquets (de nos jours la Casa de la Vall), ces constructions sont clairement influencées par la masia catalane, avec une distribution en trois travées (espace entre deux murs porteurs) dont la centrale est plus grande que les deux latérales. La Casa Rossell est à plan légèrement trapézoïdal et à trois corps. Bien qu’elle soit orientée vers le sud-ouest, son accès principal se trouve au sud, avec la porte principale couronnée par un arc de plein cintre. Le bâtiment fut conçu comme une habitation ; le grand fenil aurait donc été construit parallèlement à la maison.
La chapelle et le pigeonnier sont les constructions les plus récentes au sein de ce noyau de propriétés de la famille Rossell au village d’Ordino. Tout comme la galerie, leur but est de souligner l’importance et le statut de la famille vis-à-vis du peuple.
La chapelle est la construction la plus moderne de tout l’ensemble. En 1779, l’évêque d’Urgell accorda sa permission pour construire le temple, qui fut consacré en 1780. La chapelle, de petite taille, est dédiée à Notre-Dame de l’Immaculée Conception, et elle en conserve une image, une des œuvres les plus remarquées du baroque andorran, réalisée par un artiste anonyme vers le milieu du XVIIIe siècle.
L’immeuble a été fréquemment modifié depuis sa construction. Il s’agit un temple à nef unique, rectangulaire et orientée vers le nord-est, avec une petite sacristie adossée à l’ouest. De plus, elle dispose d’un chœur, probablement d’origine, conduisant vers un passage reliant la chapelle à la maison, de façon à pouvoir y accéder sans avoir à traverser la rue.
Enfin, on construisit un clocher-mur pour la chapelle en 1890.
Finalement, on remplaça le plancher en bois de la nef par le plancher en béton actuel.
Une promenade dans les jardins de Casa Rossell, qui à l’origine faisaient partie des potagers de la maison, nous conduit à travers des escaliers jusqu’au village d’Ordino. Depuis la rue Carrer dels Cóms, nous pouvons observer la splendide maison de Casa Rossell, avec sa galerie singulière et sa façade. Un dernier regard vers la maison de maître du XVIIe siècle et les alentours, un signe du pouvoir détenu par la famille Rossell au long de quatre siècles.
Les pigeonniers étaient des constructions destinées à l’élevage de pigeons, dont les excréments étaient utilisés en tant qu’engrais ; de plus, ces oiseaux pouvaient également être consommés.
Le fin enduit des murs et les dalles dépassant des ouvertures avaient pour but de protéger les pigeons des prédateurs comme les rats et les serpents.
Il existait plusieurs types de pigeonniers, allant d’une pièce de la maison jusqu’à une construction indépendante en forme de tour, comme celui de Casa Rossell.
Le pigeonnier était un symbole de statut réservé uniquement aux familles les plus aisées.
Nous voyons des nids sur les murs, des saillies pour permettre aux pigeons de s’y poser et les ouvertures à travers lesquelles ils entraient au pigeonnier
Les changements dans l’activité économique peuvent être constatés principalement dans la composition de l’activité d’élevage. Au XVIIe siècle elle est composée principalement de brebis (entre 2.000 et 5.000 têtes de bétail) ; au XVIIIe siècle on y introduit des mules, tout en maintenant les brebis ; le nombre de ces dernières diminuera au long du XIXe siècle pour y introduire des équidés ; enfin, à partir de la fin du XIXe siècle, l’activité se centre sur l’élevage et l’exportation de bovins.
Depuis la cour, nous voyons également la galerie avec les fenêtres ogivales, un des éléments conçus pour signaler le statut de la famille. Nous savons que son aspect n’est pas celui d’origine, puisque la galerie apparait sur une photographie prise en 1890 par le Centre Excursionista de Catalunya (« Centre Randonneur de la Catalogne ») avec un aspect très différent. La galerie a certainement adopté l’aspect que nous lui connaissons à un moment indéfini entre 1890 et 1930. En fait, les galeries ne sont pas très habituelles dans les maisons andorranes, puisqu’il s’agit d’un type de construction plus adapté aux climats chauds. Cela dit, il existe d’autres maisons importantes andorranes disposant également d’une galerie, comme Cal Guillem d’Andorre-la-Vieille ou Cal Giberga de l’Aldosa.
Le grand fenil était composé de deux étages aux fonctions très précises : le rez-de-chaussée faisait office d’étable pour le bétail de la maison ; l’étage d’en haut servait pour y garder la paille, utilisée une fois sèche pour nourrir le bétail pendant les longs mois d’hiver, puisque le manque de pâtures ne permettait pas de porter le bétail à l’extérieur.
L’agriculture et l’élevage furent la principale source de revenus de la famille Rossell au long de son existence, mais la structure de cette activité changeait au fur et à mesure, au gré des exigences du marché. Par exemple, entre le XVIIe et le XXe siècle, la famille fut une grande productrice de blé, principalement destiné à la vente. En 1810, la famille Rossell avait plus de 58 hectares de production de blé à Ordino.
Nous voyons à gauche le grand fenil et l’étable.
Depuis la cour, nous pouvons voir la façade principale de la maison, orientée vers le sud-ouest pour profiter d’une exposition maximale au soleil ; c’est pour cela que l’on y trouve davantage de fenêtres. Nous y voyons également l’élément le plus remarquable : la rambarde en fer forgé du balcon principal, avec les initiales du nom de famille, probablement fabriquée au milieu du XVIIIe siècle, pendant la période de splendeur maximale de la famille, étroitement liée à la pré-industrie du fer et à un contexte économique et politique favorable. La fin de la Guerre de Succession (1701-1715) noua des liens de parenté entre la monarchie espagnole et la française, ce qui répercuta positivement sur l’économie andorrane et favorisa le commerce avec les pays voisins.
La famille Rossell était liée à l’industrie métallurgique au moins depuis l’an 1619, alors qu’elle était copropriétaire de la forge d’El Serrat avec la famille Areny-Plandolit. Plus tard, la famille fonda sa propre forge afin d’augmenter le pouvoir économique de la famille : la Farga Rossell, à la Massana, qui fonctionna de façon intermittente entre 1842 et 1876.
Les Rossell devinrent la deuxième maison la plus importante de la paroisse d’Ordino, juste après la maison d’Areny-Plandolit, à partir du milieu du XVIIe siècle. Au fur et à mesure que les Rossell augmentaient leur patrimoine économique, ils amélioraient leur position sociale à travers les alliances matrimoniales qu’ils cherchaient en dehors de nos vallées, surtout avec des membres de la bourgeoisie aisée des comarques pyrénéennes. L’importance politique de la famille augmentait aussi.
Le personnage le plus remarqué de la famille n’occupa aucun poste politique, mais son rôle a été vital pour la politique du pays : Antoni Fiter i Rossell (1706-1748), diplômé en droit et rédacteur du Manual Digest (1748), un ouvrage commandé par le Consell Général. Le livre est un recueil de l’histoire, du gouvernement et des us et coutumes de l’Andorre, dans le but de renforcer l’autonomie andorrane face à des monarchies puissantes et expansives comme celles de l’Espagne et de la France. L’ouvrage recueille également les droits, les privilèges, les franchises et les exemptions indispensables pour le bon fonctionnement de l’économie andorrane, principalement basée sur l’exportation de têtes de bétail.
La façade s’achève avec un clocher-mur à une seule ouverture et une cloche toujours conservée de nos jours.
Nous voyons sur la niche une des vierges baroques de meilleure qualité conservées en Andorre.
L’itinéraire est libre.
L6 Ordino